Idaho
Levitate
(Idaho Music / Pop Lane)
Depuis des années, Idaho avance plus ou moins dans l’ombre, dans cette autre Amérique qu’on a découvert un jour avec Palace et quelques autres. D’abord perdu quelque part dans le folk américain, ce groupe à géométrie variable, aujourd’hui dirigé par le seul Jeff Martin, a peu à peu trouvé un cheminement personnel vers une musique épurée, où chaque note trouve sa place dans un paysage de plus en plus minéral et crépusculaire.
Avec Levitate, bon titre pour un album que peu de choses retiennent finalement au sol, Idaho inscrit sa mélancolie dans un décor fragile et presque lumineux en effleurant lentement les parois pour en tirer quelques frissons à peine visibles. Il joue maintenant avec le silence, économise ses gestes de plus en plus gracieux pour mieux écouter et trouver le ton juste. Car tout chez Idaho devient maintenant essentiel, comme si tous ces moments suspendus, volés au temps qui passe, n’étaient que les bons. Ou tout du moins ceux qui expriment beaucoup, avec peu. Quelques guitares, quelques échos, une voix cabossée, une batterie qui s’efface et surtout un piano, qu’on entend partout sans trop savoir si beaucoup de notes s’en échappent. Si Wondering The Fields et 20 Years en ouverture s’accrochent encore à quelques bribes d’un folk électrique et malade, l’album se décompose progressivement jusqu’à une certaine forme d’abstraction, vers une musique plus ambitieuse et affranchie qui n’abrite dans le même temps aucune envolée spectaculaire. C’est comme si on entrait avec Neil Young et sa guitare pour être invité à mi-parcours par Mark Hollis, qui nous tend la main au loin sans qu’on arrive jamais vraiment à le rejoindre. Alors que l’on croyait connaître Idaho sur le bout des doigts, Jeff Martin parvient encore à nous surprendre, à nous émerveiller en supprimant tous les fils de ces anciennes blessures pour n’en garder que les traces, dont la nudité suggère autrement mieux l’historique à l’image du très beau Orange, presque murmuré. Vu d’ici, la Californie d’Idaho a vraiment une drôle de gueule.
Jérôme Olivier
this review is/was online at Lost Songs And Other Blues
and is available here for archival purposes